Le numéro 2018, “Fast(e)”, a une dimension réflexive puisque son thème entre en contradiction avec le nom même de la revue, Mots Slow. A l’origine, cet ambigramme visait à inscrire le projet de manière ludique dans une philosophie de la lenteur, puisqu’un seul numéro était prévu chaque année, mais un numéro pensé et peaufiné jusque dans ses moindres détails. Or si la maturation d’un numéro est lente, d’autres rythmes, accélérés, s’y superposent : conception graphique (conçue cette année par l’artiste Anne-Sophie Tristschler) et impression, qui se déroulent en quelques semaines. Ce temps, chargé d’émotion, impose de nombreuses prises rapides de décision, et c’est ce tempo soutenu avec lequel joue ce numéro de Mots, tout en tissant un lien avec le Livre des fastes d’Ovide, un calendrier poétique composé pour commémorer les fêtes romaines. Véritable chronotope mettant le temps en espace, il indique les jours favorables à toutes les entreprises publiques (procès, guerres, sacrifices religieux, lancement d’une revue) et privées (négociations commerciales, mariages, point final à un article de revue). Les jours n’ont pas tous un même statut juridique ; ils sont marqués par des obligations et des interdits (jours fastes - fasti dies – du latin fas, permission des dieux ; et néfastes, jours interdits par les dieux, autrement dit fastidieux, de mauvais présage). Avant la création du calendrier julien, en – 46, c’est le Pontifex maximus (grand prêtre) qui avait pour tâche d’établir le calendrier (de calare, proclamer) et de fixer les jours néfastes, par exemple le jour des Nones (5ème ou 7ème jour du mois) et son lendemain. Nones. jour impraticable, se dit en latin Nonis, de non is, « tu ne vas pas ».
Soumis aux dictats humains et à de constantes métamorphoses, comme ne pouvait l’ignorer Ovide, maître en la matière, le temps est donc parfaitement relatif dans sa valeur, son découpage et sa durée. A l’origine, le calendrier de Romulus (- 400 av. JC) comprenait 9 mois, calqué sur la gestation humaine pour accoucher du temps. Et Montaigne ironisera : “le pape Grégoire XIII, ayant remarqué que l’erreur de onze minutes qui se trouvait dans l’année julienne avait produit dix jours de plus, fit retrancher ces dix jours de l’année 1582; et, au lieu du 5 octobre de cette année, on compta de suite le 15”. Régi par un éditeur Pontifex, le temps de la revue est lui aussi parfaitement malléable.

Ce dernier numéro au thème de FAST(e) est constitué d’une affiche 70 cm x 100 cm pliée (34 x 24 cm) en sérigraphie 5 couleurs et offset. Les scientifiques et artistes suivant participent à cette édition: Leïla Anvar, Abdelkader Benchamma, Dominique Brancher, Zabo Chabiland, Antoine D’Agata, Guillaume Deulleuse, Esther Ferrer, Emmanuel Fort, Morena Fortino, Wendy Giardina, Marian Hobson, Jean-Yves Jouannais, Jérôme Karsenti, Jean Khalfa, Levan Manjavidze, Anders Modig, Lorenza Mondada, Mu Pan, Antoine Schmitt, Anne-Sophie Tritschler.

Collaboratrice: Dominique Brancher. Traductrice : Wendy Giardina. Graphiste : Anne-Sophie Tritschler. 

Imprimé à Barcelone SYL, et Berlin, bbk.

/Limited edition prints numbered, 365 ex / silk screenprint-Offset /

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MOTS SLOW #5

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